13 février 1939
A John H. Whitney
George Cukor et David O. Selznick ont publié conjointement hier soir la déclaration suivante:
''En conséquence d'une série de désaccords entre nous sur nombre de scènes d'Autant en emporte le vent,
nous avons décidé que la seule solution était de choisir le plus tôt
possible un nouveau réalisateur''. Selznick a ajouté :''Le départ de M.
Cukor... est l'incident le plus regrettable de ma
carrière déjà assez longue de producteur, d'autant plus que je
considère M. Cukor comme un des meilleurs réalisateurs auquel la
profession ait jamais eu la chance de prétendre. Mon seul espoir
est que nous ayons la chance de pouvoir le remplacer par un homme
aux talents comparables...''
Les réalisateurs qui furent considérés comme ''possibles''
furent Robert Z. Leonard, Jack Conway, King Vidor
et Victor Fleming. Le lendemain du départ de Cukor, Victor Fleming,
ami intime de Gable, dut abandonner ''le Magicien d'Oz qui était presque
terminé pour signer un contrat pour la réalisation
d'Autant en emporte le vent.
20 février 1939
A R.A Klune
Nous reprendrons le tournage lundi. Je vous prie de vous mettre d'accord immédiatement avec M. Fleming sur la première séquence.
21 février 1939
A Mme Rabwin
Je
vous en prie, voyez M. Fleming qui, je l'ai découvert avec plaisir, est
encore plus sensible que moi à la question des bustiers et demandez lui
s'il veut bien s'en occuper personnellement. Auquel cas, envoyez lui
la femme dont Mme Selznick nous a parlé et organisez une réunion avec
elle, Mlle Leigh et M. Fleming. Mais j'ai tellement
harcelé la pauvre Vivien à ce propos, que j'aimerais que vous
expliquiez à Victor que je préfèrerais qu'à partir de maintenant il
devienne le seul coupable. Dites lui que si elle n'est pas aussi
bien qu'Alice Faye dans ce domaine, je considèrerai qu'il a gâché sa
vie. Je vous en prie, tenez moi au courant.
(La question se posait pour le bustier et donc le décolleté de la robe de bal de
Scarlett.)
Mais pourquoi G. Cukor a-t-il été viré?
Les circonstances exactes dans lesquelles se passa le renvoi de
Cukor ne figurent malheureusement dans aucun
des dossiers de Selznick. Peut-être n'y fit-on aucune référence par
écrit à l'époque? Ou bien, on peut concevoir que toute la correspondance
relative à l'incident fut jugée, pour diverses
raisons, d'un caractère hautement confidentiel que tous les
exemplaires en furent détruits.
En 1947, Lloyd Shearer du New York Times Magazine cita Selznick
en ces termes: ''Nous [Cukor et lui-même] ne
pouvions rien voir du même oeil. Je me rendis compte que si Cukor
était véritablement imbattable pour réaliser les scènes intimistes de
l'histoire de Scarlett O. Hara, il ne comprenait pas la
force, l'ampleur, le souffle du film.''
Les suppositions que l'on fit à l'époque portaient surtout sur
le mécontentement de la MGM concernant la
vitesse à laquelle étaient tournées les scènes, Cukor s'opposant aux
différentes modifications du scénario, les changements apportés par
Selznick arrivant dix fois par jour sur le plateau, et
Clark Gable se montrant agacé par la façon qu'aurait eu Cukor de se
préoccuper des personnages interprétés par Vivien Leigh et Olivia de
Haviland et de les traiter avec une délicatesse
exagérée.
D'après ce qu'en cite Gwen Robbins, Cukor aurait affirmé :''il est stupide de
dire que je prêtais trop
d'attention à Vivien et Olivia. C'est le texte qui indique sur quoi
on doit mettre l'accent et non le réalisateur. Clark Gable ne devait pas
avoir une grande confiance en lui-même comme acteur,
bien qu'il fut une grande personnalité du cinéma, et peut-être
croyait-il que je ne m'en rendais pas compte.. Après toutes ces années,
je pense que pour Selznick, Autant en emporte le vent était
la grande oeuvre de sa carrière. Toute cette affaire le mettait dans
un état d'extrême nervosité... Ce fut une grande et difficile épreuve
pour lui, mais aussi sa perte. Il fit des choses qu'il
n'avait jamais faites auparavant. Pour la première fois il voulut
venir sur le plateau pour me regarder réaliser des scènes que nous
avions mises au point ensemble. C'était épuisant pour les
nerfs.
Vivien Leigh, dans sa correspondance de l'époque avec son mari,
Leigh Holman, dit que ''Cukor était un homme
très intelligent et doué d'imagination et il semblait comprendre
parfaitement le sujet.'' Après le départ de Cukor elle écrivit :''Il
était mon dernier espoir de jamais aimer ce
film.''
Une autre raison pourrait expliquer en partie le renvoi de
George Cukor. Elle viendrait aussi de Clark Gable
qui ne supportait pas de côtoyer un homosexuel notoire qui
fréquentait les milieux gays d'Hollywood et qui donc savait
inévitablement que l'acteur avait dû coucher avec des producteurs
homosexuels pour décrocher des petits rôles au début de sa carrière.
Ce sont bien évidemment les mauvaises langues qui colportent ces histoires. Mais je revendique cette qualité
et puis après tout ''nobody is perfect...''
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