7 mai 2014

Rossignols de mes amours Deanna Durbin

Deanna Durbin est morte il y a un peu plus d'un an à l'âge de 92 ans dans l'indifférence quasi générale. C'est probablement ce qu'elle aurait souhaité, elle qui avait abandonné le cinéma en pleine gloire à... 28 ans! mais ceux qui se souviennent d'elle savent qu'entre 1945 et 1947 elle a été la star d'Hollywood la plus adulée et la mieux payée.
J'avais publié ce post il y a deux ans ...ailleurs...
Je suis née le 4 décembre 1921 au bord de la rivière Seine. Mais à Winnipeg dans la province du Manitoba au Canada, la province la plus francophone après le Québec. J'en ai toujours gardé le goût de la langue et de la culture françaises. Très vite mes parents quittent les hivers canadiens pour le soleil de la Californie du sud. On m'a dit que j'étais un beau bébé avec de grands yeux et une petite moue adorable. De gazouillis en babillages ma mère se rend vite compte que j'ai une voix souple, légère et qui escalade facilement les notes. Très jeune je prends des cours de chant à l'académie Ralph Thomas. En même temps je chante dans des soirées pour gagner mon argent de poche. J'ai quatorze ans quand,comme dans tout bon film hollywoodien, je suis remarquée par un ''talent scout'' (on disait comme ça à l'époque). Je passe une audition à la MGM pour un petit rôle dans un film sur la chanteuse d'opéra Ernestine Schumann-Heink. Je suis retenue mais le film ne se fera pas.
On m'aperçoit dans un petit reportage promotionnel dans les jardins de la MGM avec ma  copine de l'époque, Judy Garland. Je fais des essais pour être la voix de Blanche neige dans le dessin animé de Disney. On trouve ma voix trop mâture!! Mon premier film date de 1936 ''Every sunday'', un court métrage où je retrouve Judy. A la vision de ce film, Louis B. Mayer, patron avant Dieu de la MGM, qui avait un faible pour l'art lyrique, demande à ses collaborateurs de ''virer la grosse''! Erreur d'interprétation, magouilles internes ...c'est finalement moi qui me retrouve à la porte. 

A cette époque les studios de moindre importance surveillaient ce qui tombait du navire amiral qu'était la MGM. Moi j'ai été rapidement repêchée par la Universal en la personne d'un de ses producteurs Joe Pasternak. Je commençais rapidement mon premier vrai film ''Three smart girls'' et tout s'est très vite accéléré. En même temps que le tournage je suis devenue une invitée régulière du show radiophonique d'Eddie Cantor qui touchait largement le public des américains moyens. C'est aussi à cette
époque que j'ai enregistré mes premiers disques pour Decca. Je venais juste d'avoir quinze ans! ''Three smart girls'' était une petite bluette musicale, pleine de bons sentiments très dans l'air du temps. Une adolescente essaye, en chantant, de réconcilier ses parents...Je dois reconnaître que c'est un peu nunuche. Les français disent ''culcul la praline''. Certains peuvent même me trouver agaçante de mièvrerie. Mais le triomphe est là. Ce petit film qui avait coûté 300 000$ en a rapporté plus de 1,6 millions, sauvant la Universal de la faillite. Louis B. Mayer énervé par mon succès et les débuts un peu laborieux de Judy, va décider de faire d'elle une plus grande vedette que moi; et comme il connaît son boulot, que je suis pas très accro à ce métier  et que Judy ne manque pas de talent...  

Je vais enchaîner rôles sur rôles avec le même succès. Je deviens l'image de la jeune fille américaine idéale. A un tel point qu'en 1939 je reçois un Oscar. Pas pour une performance d'actrice mais pour me récompenser d'apporter de manière significative l'esprit de la jeunesse au cinéma et souligner son haut niveau de compétence et de réussite. Ouf!!! Je suis devenue une ado superstar au delà des EU. Jusqu'à Mussolini qui m'a proposé de quitter Hollywood pour Cinecittà, de venir m'installer dans son Italie fasciste!!! Il doutait de rien!!! Mais j'ai versé une larme quand j'ai appris qu'on avait retrouvé une photo de moi épinglée dans la chambre où était cachée Anne Franck.
 

 Autre événement mondial, mon premier baiser au cinéma!!! J'avais 18 ans. C'était dans la suite de ''Three smart girls'', First Love''. C'est Robert Stack qui s'y est collé!! Pas mal!! J'aurais pu tomber plus mal!. Et je continue à faire films sur films. Toujours la même trame, peu importait pourvu que je chante. Et j'ai beaucoup chanté, jusqu'au désastre comme ces airs de Traviata pourtant dirigée par le grand Leopold Stokovsky. Ou alors cet improbable ''Nessun Dorma'' pour lequel Puccini a du se retourner dans sa tombe...
  En 1941 je me marie sans que cela nuise à ma carrière qui, entre nous soit dit, commence à me peser. J'envisage de faire une pause et je refuse un enième projet. Le studio me suspends, sans salaire, pour 6 mois et me fait comprendre que je suis nécessaire à l'effort de guerre américain et que le moral des GI's a besoin de moi.Bonne fille et bonne pâte je me laisse convaincre et retourne dans les studios non sans avoir renégocié mon contrat. Faut quand même pas me prendre pour une demeurée. En 1944 je réussis à faire une incursion dans un rôle dramatique ''Christmas Holyday'' avec le formidable Gene Kelly! Le film fait un succès au box office mais mes fans me font gentiment savoir que le film noir c'est pas vraiment pour moi. Je m'incline à nouveau mais ma colonne vertébrale est de moins en moins souple. Mais le succès ne dément pas. Je divorce pour épouser Felix Jackson un metteur en scène qui va prendre ma carrière en main en choisissant des films où je chante un peu moins et où je joue un peu plus, mais toujours dans le registre léger de la comédie.




De 1945 à 1947 je suis la star féminine la mieux payée d'Hollywood. Mais j'ai un caractère moins lisse que mon visage. Je réclame de meilleurs partenaires, des scénarios mieux construits et de tourner des films en couleurs. Et là, le studio me réponds que c'est pas possible compte tenu de l'importance de mes salaires. Les ingrats! Après tout ce que je leur ai fait gagner!!! A mon avis ils devaient sentir que le vent qui m'avait propulsé vers le succès était en train de tourner. En 1949 avec ''For the love of Mary'' qui se termine par un Ave Maria de Schubert dont je ne suis pas mécontente, je tourne mon dernier film. Mon contrat ne sera pas renouvelé. Je divorce et je tourne définitivement et sans regret une page de ma vie. 23 films en 13 ans m'ont appris que je n'aimais pas tant que ça ce métier et que je n'étais pas faite pour le monde hollywoodien. Je me remarie en 1950 j'ai 29 ans. Ce sera mon troisième mari. Seule concession hollywoodienne.
Et je viens m'installer en France à Neauphle le Château à la recherche de l'anonymat et du silence. Ils ne furent troublés que par l'agitation autour de mon voisin. Un imam enturbanné qui a fini par partir faire sa révolution en Iran. Hollywood et la MGM ont voulu me voir revenir en me proposant un rôle avec Mario Lanza. Mais quand je dis c'est fini, c'est fini! C'est Kathryn Grayson qui a eu le rôle et elle s'en est très bien sortie! Même Frédéric Mitterrand n'a pas pu me faire sortir de ma retraite pour son émission ''Etoiles et toiles''. Il y a quelques années encore on pouvait me croiser dans les rue de Neauphle ou de Paris où j'ai un pied à terre. Mais cela devient de plus en plus rare. Dame je vais bientôt avoir 90 ans. Je suis une des dernières survivantes de l'âge d'or d'Hollywood. Je n'en tire aucune gloriole. Depuis la mort de Charles, mon mari, je suis entourée par l'affection de mes enfants Jessica et Peter, de mes petits et arrières petits enfants. Des regrets? Franchement non! Seulement peut être le fait de n'avoir pas fait une carrière de chanteuse! Ça m'aurait plu. Je n'ai enregistré de chansons que pour mes films. Et les quelques disques qu'ont peut trouver dans le commerce ne sont que des compilations de chansons de mes films. Voilà! Ça m'a fait plaisir de remuer les quelques souvenirs dont je me souviens encore. Il fait doux ce soir. Le soleil va se coucher derrière le pigeonnier au fond du jardin. C'est le seul projecteur que j'ai vraiment apprécié. C'était déjà pour lui que mes parents avaient quitté les longs hivers canadiens...

 

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